« POMPIDOU-METZ : LEVEZ LES VOILES ! »

GRAND ANGLE NOVO IDEO 1/2

« POMPIDOU-METZ : LEVEZ LES VOILES ! »

Centre Pompidou Metz © Nathalie Tiennot, 2015

Centre Pompidou Metz © Nathalie Tiennot, 2015

Le « chapeau chinois » de l’architecte Shigeru Ban en impose.

Tendue à partir d’un axe central, sa structure modulaire en fibre de verre translucide s’inscrit paisiblement dans cette ancienne friche de cinquante hectares. En lisière du cœur de ville, ce samedi du mois de mai, on accède au « Pompidou »de Metz par des voies encore peu lisibles. Au sortir des tunnels de la gare ou en entrant par le parc de la Seille, le visiteur est quelque peu bousculé, entre les flux de circulation automobile et des abords du Centre en travaux. Une fois passés les portiques d’entrée sans file d’attente, on vient se renseigner auprès de l’employé du café du rez-de-chaussée. Toujours disponible. Puis, on se dirige vers la rétrospective consacrée à Tania Mouraud. Sans bousculade.

Ses créateurs ont voulu un espace d’ouverture vers l’Allemagne et le Bénélux. Après le pic de fréquentation de son année d’ouverture (près de 800 000 entrées), Pompidou-Metz reste avant tout un joyau régional dont les visiteurs (350 000 en 2014[1]), sont originaires à 70% de Lorraine. Mais cela bouge. Au hasard des rues qui jouxtent la cathédrale aux vastes verrières gothiques, il n’est plus rare de croiser des bus remplis d’asiatiques venus voir « la lanterne du bon Dieu ».

« Revenir à Metz ? Oui, pourquoi pas… » ». 58% des visiteurs du Pompidou viennent pour la première fois (source Metz Métropole)

Touristes belges © Nathalie Tiennot 2015

Touristes belges © Nathalie Tiennot 2015

Podcast touristes belges © Nathalie Tiennot 2015

Pompidou Metz est un rocher sur lequel différents projets commerciaux viennent se greffer. Un grand centre des congrès (1200 places) et le projet Muse associant logements et activités présentés par la municipalité en prolongements du coeur de ville[2]. L’architecte Starck y érigera en 2018 son premier hôtel, porté par des partenaires locaux : une tour de trente mètres de haut couronnée par une maison du XIXè siècle. Elle sera entourée d’un verger de mirabelliers en écho à la traditionnelle fête estivale avec un contenu artistique fort[3]. En revenant vers la gare construite par Guillaume II, Metz se souvient enfin de son passé allemand en dépoussiérant une pépite que sa population a longtemps cachée. Le quartier impérial qui relie dans un « triangle » la cathédrale et le centre ville fait l’objet d’un travail avec l’Etat français qui pourrait conduire, tout comme sa voisine Nancy il y a trente ans, à sa sélection par l’UNESCO au titre de « patrimoine mondial ».

Selon Josiane Madelaine, Vice-Présidente (EELV) à la région, « Metz et Nancy sont complémentaires ». Elle souligne l’opportunité culturelle ouverte par le rapprochement avec l’Alsace.

Josiane Madelaine © Nathalie Tiennot

Josiane Madelaine © Nathalie Tiennot

Podcast Josiane Madelaine © Nathalie Tiennot, 2015

Comment définitivement inscrire dans la durée cette réussite culturelle, dans une terre martyrisée par deux guerres et par la crise ?

Cet héritage peut en effet apparaître peu propice à l’ancrage des élites culturelles, avec lesquelles l’ancienne municipalité a longtemps été brouillée. Mais Metz est devenue récemment une terre de gauche, rescapée de la vague bleue des dernières municipales. Le Front National y est contenu. Et le bouillon culturel et toutes les dynamiques touristiques et économiques dans le sillage de Pompidou y sont certainement (un peu) pour quelque chose. Pour autant, la fréquentation des lieux n’échappent pas aux soubresauts. Quelles en sont les raisons ? L’absence de collections permanentes a un temps été avancé comme facteur essentiel de la baisse, après la première année d’euphorie. D’autres ont critiqué le manque d’académisme artistique à l’occasion de l’exposition Paparazzis !, qui a pourtant trouvé son public. C’est là l’enjeu du travail réalisé avec les écoles dès l’ouverture du lieu, qui a bénéficié « davantage à sa fréquentation qu’à l’équilibre de ses comptes », plaisante un employé du musée.

 Bref, le Pompidou se cherche encore.

« Il faut réapprendre aux lorrains à passer plusieurs heures dans un espace qui n’est pas un musée mais un centre d’expositions » résume Josiane Madelaine, Vice-Présidente (EELV) à la région. « Il faut savoir qu’avant l’arrivée de Pompidou, la vie culturelle était – exception faite de l’Arsenal et l’Opéra – essentiellement située en dehors de la ville ». A l’image du festival du film arabe de Fameck, déjà un quart de siècle à son compteur.

« Comment faire passer aux visiteurs la nuitée de plus sur place ? » s’interroge Hacène Lekadir, l’adjoint (PS) à la culture de la ville. C’est une question à laquelle est confronté le visiteur face à la documentation présentée sur quelques étagères par l’Office du Tourisme. « C’est un enjeu touristique majeur, on estime les retombées directes des visiteurs du centre à 10 millions d’euros ».

Hacène Lekadir © Nathalie Tiennot 2015

Hacène Lekadir © Nathalie Tiennot 2015

Podcast Hacène Lekadir © Nathalie Tiennot, 2015 

A portée de vue de la galerie du premier étage de Pompidou avec la ville en perspective, des jalons de culture qui valent la peine qu’on les relie entre eux. C’est déjà le cas pour la musique et le chant qui ont des identités inscrites de longue date dans le patrimoine culturel de la ville. Un potentiel renforcé avec le réaménagement par Ricardo Bofill de l’ancien arsenal militaire Ney en salles de spectacles et d’expositions, espaces consacrés à la musique classique et la danse contemporaine. Avec la récente Boîte à Musique  de l’architecte Rudy Ricciotti, la cité messine dispose d’une offre que Pompidou a prolongé par une action de sensibilisation.

Dans le domaine de l’art contemporain, une kyrielle d’initiatives sont en cours de fédération en une association autonome : Lorraine Réseau Art contemporain (LoRA). Elle est Soutenue par une DRAC dynamique, poussée par les créateurs du Conservatoire de l’album de famille, de l’atelier galerie Modulab et du lieu d’exposition associatif Octave Cowbell. LoRA a vocation à jouer le rôle d’accélérateur du territoire autour des arts plastiques. En tissant des liens avec le Fonds Régional d’Art Contemporain, ouvert à cette dynamique, LoRA pourrait trouver son rôle de catalyseur entre les structures associatives émergentes et les poids lourds, dont l’Arsenal. On pense bien entendu également au Pompidou, dont la nouvelle directrice Emma Lavigne souhaite le voir devenir un « village ». Les projets ancrés dans le territoire sortent ainsi progressivement des cartons et offrent au Centre un terrain propice. Il s’agit sans doute d’une opportunité féconde pour un fonctionnement en réseau et peut-être un vrai deuxième souffle.

« Etre une petite structure comme nous, c’est un « gaspi » de temps et d’énergie la communication » explique Anne Delrez, créatrice de la Conserverie et co-initiatrice du réseau LoRA d’art contemporain

Anne Delrez © Nathalie Tiennot, 2015

Anne Delrez © Nathalie Tiennot, 2015

Podcast Anne Delrez © Jean-Marc Pasquet, 2015

[1] Ce qui le situe dans la frange haute des 1034 musées nationaux (7 au-dessus d’1 million / an, 60 entre 100 000 et 1 million, les autres en-dessous de 100 000, selon les chiffres du ministère de la Culture)

[2] Le projet de 324 millions d’euros comprend 400 logements, ses 10.000 mètres carrés de bureaux et ses 37.000 mètres carrés d’espace commercial

[3] Un quatre étoiles de 90 chambres pour un investissement de l’ordre de 20 millions d’euros

CRÉDITS

Recherches documentaires, interviews, photographies et podcasts : Nathalie Tiennot (sauf podcast LoRA : Jean-Marc Pasquet).

Article et coordination générale : Jean-Marc Pasquet.

Remerciements : Nicolas Defaud ainsi que toutes les personnes contactées, interviewées, les habitant-e-s de la Ville de Metz qui nous ont accompagné-e-s pour nous faire découvrir leur cité, étonnante, chaleureuse, hors des clichés.

© Novo Ideo 2015.

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